« Pêcheur d’images », c’est ainsi que Robert Doisneau, gamin de banlieue né en 1912 dans un milieu petit-bourgeois et devenu une des grandes figures de la photographie humaniste, se qualifiait. Dans la rétrospective qui lui est consacrée au musée Maillol (Paris-7e ), la vie défile, filtrée par son regard insolent et pudique, léger et grave. Des années 1930 aux années 1980, l’inlassable arpenteur des rues et pilier de Rapho, première agence de photojournalisme, a saisi les mômes et les usines Renault, les artistes et les écrivains – souvent ses complices –, les ouvriers et les grands de ce monde, les bistrots et la banlieue.
Plus de 450 000 images dans les archives
Les quatre cents images exposées racontent autant le photographe que l’homme, père de deux filles, Annette et Francine. Depuis sa mort, en 1994, toutes deux veillent sur l’œuvre du paternel adoré dans l’ancien appartement familial de Montrouge (Hauts-de-Seine), devenu l’Atelier Robert-Doisneau. Gardiennes d’archives pléthoriques (plus de 450 000 images) orchestrant livres et expos, elles racontent avec jubilation ce «travailleur acharné et de ce fait souvent absent mais qui, quand il arrivait dans une pièce, était comme une promesse de joie». Et d’ajouter, « ce n’est pas lui qui corrigeait les devoirs, mais il était un conteur magnifique qui revenait de ses journées de travail et nous racontait mille anecdotes».
Ce qu’il leur a transmis? «L’idée que ce qui est intéressant, ce sont les autres.» Un goût de l’autre et une curiosité qui transparaissent dans chacune des images de l’auteur du fameux «Baiser de l’Hôtel de Ville ». Pour lui, elles ne cesseront de prendre la pose, pas pour fabriquer des souvenirs – « notre mère lui disait: "Robert, on n’a pas un album de famille!"» –, mais pour remplir les boîtes de l’agence Rapho de photos illustratives prises lors de vacances où les petites pêchent dans une rivière corrézienne ou jouent au ballon sur la plage. « C’était après la guerre et la presse était friande d’images qui racontaient le retour à la vie heureuse », explique Francine.
Mais au-delà de ces considérations, le photographe avait bel et bien érigé en principe la phrase de son ami Jacques Prévert: « Même si le bonheur t’oublie un peu, ne l’oublie jamais tout à fait. »
« Robert Doisneau, instants donnés », jusqu’au 12 octobre, musée Maillol, Paris-7e.