L’anecdote est vraie. Il y a quelques années de cela, un petit garçon regarde la télé et reste coi devant la pub J’Adore de Dior. On y découvre Charlize Theron, auréolée d’un halo blond, sortir nue d’un bain, puis marcher au son de « Flashing Lights » de Kanye West dans un fourreau pailleté d’or qu’on croirait cousu à même le corps. Le spot, réalisé par Romain Gavras, qui succède à Jean-Baptiste Mondino, Jean-Jacques Annaud et Nick Knight, a des allures de tableau d’Ingres, avec pour personnage principal l’actrice oscarisée de « Monster » et l’héroïne de « Mad Max : Fury Road ». Autant dire une femme lascive, certes, enivrante, certes, mais conquérante, assumée, voire amusée par son statut de vestale. Devant ce spectacle inédit, le petit garçon s’écrie : « C’est la nouvelle femme de papa ! » Stupéfaction dans la maison, le papa se trouvant être le mari de l’autrice de ces lignes, qui se trouve elle-même être à l’opposé physique de Charlize Theron. Coupez.
C’est sexy, addictif, solaire, hyper facile à porter, tout ce que j’aime
Au téléphone, on n’ose rien confier de cette anecdote devenue légende familiale à la star, pourtant ultra-chaleureuse et volontiers disserte sur ses propres enfants, « deux filles que j’ai élevées de la même manière, sous le même toit, mais qui sont aussi différentes que possible, et très différentes de moi ! » Le parcours de Charlize Theron, née dans une ferme en Afrique du Sud, passionnée de danse, a tout de remarquable, tant rien ne la prédestinait à devenir l’une des actrices et productrices les plus respectées de Hollywood. Depuis quasi vingt ans, elle file une parfaite love story avec le parfum J’Adore de Dior, dont la nouvelle fragrance, L’Or de J’Adore, signée Francis Kurkdjian, est sortie en septembre – « c’est sexy, addictif, solaire, hyper facile à porter, tout ce que j’aime ».
Un début marquant
L’égérie maison se souvient de leurs débuts comme si c’était hier. « C’était au moment de la sortie de “Monster”, dont on parlait pas mal à l’époque. » Euphémisme, tant le film de Patty Jenkins, où Charlize Theron, méconnaissable, incarne une prostituée devenue tueuse en série, frappe fort et met tout le monde d’accord. « Mon équipe a reçu un coup de fil, la maison Dior souhaitait travailler avec moi autour de ce parfum. J’étais d’autant plus sidérée que je sortais de mois de tournage éprouvants où, pour les besoins du scénario, je m’étais métamorphosée physiquement. Je suis restée sans voix, et puis on a commencé à réfléchir à la campagne. » Se met en place une forme de collaboration, « c’était un peu comme de concevoir un film, un personnage : une autre que moi, mais à laquelle je pourrais m’identifier ». L’actrice réussit ce tour de force, avec la complicité de réalisateurs devenus pour certains des amis, de convoquer une héroïne à la fois sublime, divine, presque irréelle, tout en échappant au fantasme « blonde », le fameux « male gaze », pour investir le champ de la sororité. « Je n’ai jamais voulu que cette créature me ressemble, je voulais qu’elle soit meilleure que moi, qu’elle dise combien les femmes sont courageuses, créatives, audacieuses ! »
Peu importe qui vous êtes, ce que vous faites, vous méritez d’être traitée avec respect
Car les clichés Charlize Theron connaît. À propos de « Monster », qui lui valut une avalanche de récompenses, dont l’oscar de la meilleure actrice, la comédienne rappelle « l’immense cadeau » que cela a représenté. « J’étais à un moment de ma carrière où je me battais pour échapper aux stéréotypes, je n’en pouvais plus, et je désespérais d’y parvenir. Non seulement Patty Jenkins m’a offert ce rôle, mais elle était profondément convaincue que je pouvais y arriver. C’est une grâce de la vie, la reconnaissance. » Du jour où elle s’affranchit enfin de cette image de mannequin qui lui colle à la peau, l’actrice s’aventure partout : films d’action, drames, comédies, des partitions engagées, souvent à forte charge physique. Elle coproduit « Scandale », qui revient sur la chute du président de Fox News, accusé de harcèlement sexuel par ses journalistes. « Un film important, car nous sommes à un moment important. Tout ce pour quoi nous nous battons à travers le mouvement #MeToo doit pouvoir servir à toutes les femmes. Peu importe qui vous êtes, où vous travaillez, ce que vous faites, vous méritez d’être traitée avec respect, de ne pas être harcelée, manipulée, menacée ! »
Difficile, à travers ce plaidoyer, de ne pas percevoir l’engagement viscéral, puisé dans une enfance chaotique, et le tempérament entier de Charlize Theron. Un héritage de sa mère dont elle est inséparable. « Ma mère m’a toujours dit que j’étais née déterminée (“I was born with a real drive”), mais l’éducation qu’elle m’a donnée a beaucoup joué : travailler dur, foncer, ne pas avoir peur de parler, même quand on nous demande de la boucler. » Et l’actrice de s’en amuser. « J’aime travailler dur, ça rend les gens fous. Même quand j’étais jeune danseuse, je voulais toujours répéter davantage, aller au studio… Je pensais que plus on bossait, plus on maîtrisait, ce qui n’est évidemment pas vrai, mais je ne suis pas le genre à rester assise en me plaignant parce que les choses ne vont pas dans mon sens. » Les minutes s’écoulent, on est sous le charme. C’est la force de Charlize Theron : elle ne ressemble à personne, mais parle à tout le monde. L’enfant de 8 ans, devant sa télé, ne s’y était pas trompé.
DU TAC au TAC
ELLE - Votre film préféré ?
Charlize Theron. - « Question trop difficile, je peux vous répondre tout et n’importe quoi : “ Les Dents de la mer” ! Quand vous êtes cosmonaute, c’est que vous aimez l’espace, et non pas tel ou tel coin du ciel. Pour moi, le cinéma, c’est pareil, c’est ce que j’aime le plus au monde après mes enfants. »
Elle - Le livre que vous avez le plus offert ?
C.T. - « J’adore offrir des livres, mais mon préféré est “Don’t Let’s Go to the Dogs Tonight” [non traduit en français, ndlr], un roman d’Alexandra Fuller qui raconte son enfance au Zimbabwe. Je jalouse ceux qui le découvrent. » La musique que vous aimez écouter en famille ? « Ce concept n’existe pas chez nous [Rires] ! Mes choix sont sans cesse retoqués, ce sont mes filles qui décident. J’essaie parfois de les initier à la musique des années 1990, mais elles me disent “Mom, no”. »
ELLE - L’artiste qui vous inspire ?
C.T. - « J’étais à Paris au printemps pour le show Dior, et j’ai eu la chance de visiter l’expo Faith Ringgold au musée Picasso. Je suis ressortie bouleversée par son engagement, son discours, sa ténacité, c’est vraiment une “badass”, j’ai un immense respect pour elle ! » Un réalisateur avec qui vous aimeriez tourner ? « Je travaille sur un projet de film avec Alfonso Cuarón, “Jane”, qui raconte la vie de l’écrivain Philip K. Dick à travers le point de vue fictif de sa soeur jumelle, morte à 6 semaines. Terriblement excitant. »