Pansement sur le nez, le regard droit dans l’objectif… Romance tend sa main pour cacher la caméra de son téléphone. Lorsqu’elle la retire, ses bandages ont disparu, révélant fièrement son nez post-opératoire. Sur les réseaux sociaux, cette jeune afro-américaine raconte son parcours de transition de genre, à commencer par sa « rhinoplastie ethnique ».

Cette chirurgie s’adresse majoritairement aux personnes noires, asiatiques ou hispaniques et consiste à prendre en considération le désir des patients de préserver leurs traits dits «  ethniques ». « Je souhaitais modifier certains aspects de mon nez pour le rendre plus féminin, sans perdre mes caractéristiques », explique Romance.

Sous le hashtag #EthnicSurgery sur TikTok on trouve également des publications de Tonya, une jeune femme noire, étudiante infirmière. Récemment opérée, elle partageait la même inquiétude : « J'avais peur qu'en optant pour la chirurgie conventionnelle, mon nez ne corresponde pas au reste de mes traits ».

Cette prise en compte des singularités de chacun lui a tout de suite plu : « C’est adapté spécifiquement à vos traits et à votre morphologie, ce qui donne un résultat plus naturel », se satisfait-elle.

Un mode opératoire spécifique

Le mode opératoire d’une rhinoplastie ethnique diffère de celui d’une chirurgie dite conventionnelle. C’est pour cette raison que « seule la rhinoplastie peut-être qualifiée d’”ethnique”, car c’est l’unique chirurgie dont on change le mode opératoire pour s’adapter à des particularités physiques présumées ethniques », explique le Dr Yohann Derhy, chirurgien esthétique à Paris.

Elle s’adresse, entre autres, à une personne ayant un nez qui présente des structures osseuses et cartilagineuses moins développées. Le plus souvent, le chirurgien va chercher à recréer ces structures et par la même occasion du relief. Cela s’apparente à un travail de reconstruction, soit quasiment la procédure inverse d’une rhinoplastie dite conventionnelle.

« Attention à ne pas tomber dans le racisme ! »

Pour Tonya, la standardisation des pratiques médicales est un non-sens : « Nos corps sont différents, nos soins de santé devraient l'être aussi », affirme-t-elle. La qualification de « chirurgie ethnique » nous vient des États-Unis, l’idée est de désigner une chirurgie plus inclusive. En réalité, c’est un terme galvaudé car toute personne appartient à une ethnie, quelle que soit sa couleur de peau ou ses origines, et les personnes blanches peuvent également être éligibles.

Le Dr Yohann Derhy, chirurgien esthétique, met en garde : « Je n’aime pas beaucoup ce terme pour être franc. Attention à ne pas tomber dans le racisme ! En fait, on s'en fiche que ces traits soient ethniques ou non, ce qui compte c’est d’appliquer le mode opératoire adéquat », résume-t-il.

« Les nez noirs sont magnifiques »

Pour ces femmes, c’est également une manière de lutter à leur échelle contre les canons de beauté euro-centriques. Pendant longtemps, un stigma pesait sur les patientes : « On pense souvent à tort que les femmes noires qui ont recours à une rhinoplastie ethnique “détestent être noires”, mais c'est tout l’inverse », martèle Romance.

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« Les nez noirs sont magnifiques. Qu'ils soient naturels ou post-rhinoplastie. Mon nez est très similaire à celui que j'avais avant, ajoute-t-elle. J'ai dit à mon chirurgien que je voulais une version plus raffinée du nez que j'avais déjà, et non celui de quelqu'un d'autre. Et il a réussi à le faire », conclut la jeune femme.

Le Dr Yohann Derhy abonde dans son sens : « Mes patientes (non-blanches N.D.L.R.) demandent d’elles-mêmes à avoir recours à ce type de chirurgie. Précisément car elles ne souhaitent pas un nez typique considéré comme blanc ».

Seule une poignée de chirurgiens maîtrise cette procédure, plus longue et complexe. Conséquence : les tarifs de rhinoplastie ethnique sont quasiment 50 à̀ 60 % plus chers qu’une chirurgie conventionnelle.