Elle plaisante au millionième degré, est incollable sur PNL, arbore un grand sourire et porte un t-shirt mal repassé (de son propre aveu). Comble pour une podcasteuse, ce jour-là, elle a une extinction de voix. Accompagnée de son fidèle chien Boulon, Sophie-Marie Larrouy nous donne rendez-vous chez Désirée, un café-fleuriste dans l’est parisien : « le quartier de mon public », plaisante-t-elle. Cette originaire des Vosges vise juste. Quelques minutes plus tard, un passant lui glisse : «Je vous aime», avant de s’éclipser.

Après deux ans d’interruption de son émission « À bientôt de te revoir », elle l’a relancée au mois d’avril pour une sixième saison. Bilal Hassani, Louise Bourgoin, Juliette Armanet, Paloma la reine du drag, Augustin Trapenard…Ses invités sont une mosaïque de la pop-culture.

On est loin des podcasts intimistes tournés en studio. Sophie-Marie Larrouy, surnommée « SML », s'entretient avec eux sur la scène du MK2 devant plusieurs centaines de personnes.

Confortablement installés dans un canapé style maison de grand-mère, entourés de bibelots, ils se plient aux questions absurdes, posées non sans malice par leur hôtesse.

Team premier degré s’abstenir : récemment, elle demandait à Louise Bourgoin si l’on « pouvait faire confiance au gazon synthétique ». Lorsqu’on lui demande d’où peut bien lui venir cette idée saugrenue, elle répond avec le plus grand sérieux : « Comment je construis la trame de mes épisodes ? J'y pense tout le temps. J’ai des notes dans ma tête. ».

En réalité, cela fait des années qu’elle travaille cet humour si singulier, devenu sa marque de fabrique. Déjà en 2009, elle joue le personnage de Vaness la Bomba, une influenceuse excentrique pour le média en ligne Madmoizelle, jusqu’à devenir chroniqueuse dans la matinale de Maïtena Biraben, sur Canal+.

Après une brève expérience dans le stand-up, elle raccroche : « Ça m’ennuyait de répéter tous les jours la même chose. Il y a des gens qui sont beaucoup plus pugnaces que moi et franchement ce n’est pas mon rythme. Il faut que j'aille me coucher tôt ».

Au revoir les interviews formatées

Tout à tour, comédienne, scénariste, autrice, humoriste, il lui vient un jour l’idée de renverser les codes de l’interview, avec son podcast « À bientôt de te revoir ». Ces longs entretiens ont des airs de verre entre potes, il n’est que très rarement question du travail de ses invités.

Pionnière du genre, en 2017 elle s’était déjà frottée à l’exercice avec son programme « l’Émifion », pour Madmoizelle au côté de Virginie Mosser. Une émission durant laquelle elles échangeaient sans filtre sur la sexualité.

L’écriture journalistique n’a aucun secret pour Sophie-Marie Larrouy, elle est passée sur les bancs de la prestigieuse École de journalisme de Lille : « On devait écrire une interview et on avait tous les mêmes questions. C’est le problème des interviews promo. On se faisait chier », se remémore-t-elle. « J'ai fait du marketing avant. Je veux vraiment créer un truc dont tu ne savais pas que tu en avais besoin. Et ce désir ça peut-être de savoir si Benoît Hamon met son slip à sécher en sortant de la piscine ou non », plaisante-t-elle. 

Depuis le premier épisode sorti en 2018, des dérivés d’« À bientôt de te revoir » pullulent sur les plateformes d’écoutes. Quand on le lui fait remarquer, elle répond modestement : « Je suis en open source, tout va bien. J'ai pas inventé le fil à couper le beurre ».

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Par la suite, elle produit également « À la recherche du thon à la catalane », un podcast de méditation humoristique à l'intérieur des hypermarchés, puis « Tiroir Caisse » qui mêle maternité et psychanalyse. 

« C'est un écrin et je vais te mettre dans ton écrin »

À ses yeux, le public est le troisième invité : « Quand tu es seule sur scène, au bout d'un moment tu deviens trop égocentrique et tu ne te rends pas compte de si tu es drôle ou pas ». 

La bienveillance envers ses convives est toujours au rendez-vous. Elle l’assure d’ailleurs : ses questions ne sont pas faites pour déstabiliser. Pour SML, un bon invité c’est un invité qui se sent bien : « Une invitée était stressée par l’ampleur de la production je lui ai dit : “ C'est un écrin et je vais te mettre dans ton écrin “ ».

La veille de notre entretien, elle recevait l’artiste originaire du nord de la France, Ben PLG, une figure montante de la scène rap : « Ce qu'il écrit c’est cette France (rurale N.D.L.R) dont je fais partie, j’en pleurais hier soir. Ça je veux le visibiliser. Le fait de pouvoir choisir à qui on donne la parole, ça implique une responsabilité, mais ça procure aussi des larmes de joie », confie-t-elle, visiblement émue.

Engagée pas militante 

Sur le canapé de SML, la politique n’est jamais bien loin. Invité du podcast au début du mois de mai, l’humoriste Léopold Lemarchand se tourne ainsi vers le public : « Vous êtes tous de gauche non ?» plaisante-t-il, sous un tonnerre d’applaudissements dans la salle.

Au fil des épisodes, on devine d’ailleurs les engagements féministes de notre présentatrice et son désir de tendre vers une société plus inclusive. Pour autant, elle ne se reconnaît pas dans le terme « militante » : « Je ne suis pas politisée, c’est juste intuitif », nuance-t-elle.

Sur les réseaux sociaux, on lui reproche parfois son silence face à des événements majeurs, comme la réélection de Donald Trump par exemple. « Je ne pense pas qu’on doive forcément connaître l’avis de tout le monde sur tout. Malheureusement, on a habitué les gens à ça sur les réseaux » répond-elle, un brin lassée. 

Malgré tout, avant chaque montée sur scène, elle imagine des réponses possibles, au cas où une personne du public viendrait l’interpeller sur des sujets sensibles : « Je ne veux pas mal faire. Avant de m’emparer d’un sujet, je veux être prête et l’avoir creusé à fond sinon c’est dangereux. Ça c’est nouveau chez moi. ».

S'ensuit un moment d’introspection. Depuis 2022, l’année où elle décide d’interrompre son programme, sa vie a changé du tout au tout : « À présent, ma colère je la transforme. J’ai plus le cul entre deux chaises. Je ne suis plus malheureuse ».