Pendant plus de deux décennies, des élèves ont été victimes de violences sexuelles, d’humiliations et de harcèlement dans plusieurs établissements, selon les témoignages recueillis par la cellule d’investigation de Radio France. L’enquête publiée ce vendredi 30 mai met au jour un système de maltraitances impliquant plusieurs adultes – enseignants, intervenants – et pointe la responsabilité de l’Éducation nationale, restée sourde à de nombreux signaux d’alerte.

À Châlons-en-Champagne (Marne), Pascal Vey, professeur de français et coordinateur de la section cirque du lycée Bayen, a ainsi été soupçonné de viols, d’agressions sexuelles et de harcèlement moral et sexuel sur une période de plus de vingt ans. Alerté dès 2021 par une enseignante et l’infirmier scolaire de l’établissement, le rectorat n’a suspendu le professeur qu’en 2023. Pascal Vey, visé par neuf plaintes d’anciens élèves, s’est suicidé en décembre 2023. Trois d’entre eux ont décidé d’intenter un recours contre l’État devant le tribunal administratif, estimant que l’institution n’a pas assuré sa mission de protection.

Phénomène plus large

Le cas de Pascal Vey est emblématique d’un phénomène plus large. À Châtellerault (Vienne), d’anciennes élèves du lycée Berthelot dénoncent également le comportement d’un ancien gymnaste devenu professeur d’acrobatie, rapporte la cellule d'investigation de Radio France qui a pu recueillir de nombreux témoignages d'anciens élèves déclarant avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles, d'emprise ou de harcèlement. 

« La relation professeur-élève peut favoriser des rapports d’emprise, explique Rachel Wadoux, formatrice en prévention des violences sexistes et sexuelles, auprès de Radio France. On travaille avec son corps, le contact physique est au cœur de la pratique. La liberté de création peut aussi être un prétexte pour s’approprier le corps de l’autre, le traiter comme un objet. » Elle pointe également le rôle de la précarité dans le silence des victimes : « Dénoncer des violences peut vous rayer de la carte ». 

Prévention

Face à ces dérives, certaines écoles ont mis en place des mesures de prévention. Le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne a instauré un protocole visant à limiter les gestes déplacés durant les acrobaties, et mis en place une boîte aux lettres anonyme pour recueillir les signalements.

En 2022, la Fédération française des écoles de cirque a lancé un plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il impose à chaque structure agréée de nommer un référent dédié, de former les équipes pédagogiques et de s’assurer que tout nouvel encadrant travaillant avec des mineurs dispose d’un casier judiciaire vierge.