La reine mer

En 2013, le journaliste et écrivain Christophe Ono-dit-Biot recevait le Grand Prix du roman de l’Académie française pour « Plonger ». Son nouveau livre, «  Mer intérieure », qui mêle essai et récit autobiographique, lui fait écho à travers la présence d’Homère, notamment.

Les thèmes des chapitres, variés, à la manière d’un dictionnaire amoureux, « dessinent les contours d’un cabinet de curiosités personnel et nomade ». Ils célèbrent la mer et le riche imaginaire qu’elle alimente chez Ono-dit-Biot.

En égrenant quelques-uns de ses souvenirs de jeunesse, en racontant des histoires érudites, il instruit et séduit. On apprend que les conteneurs, ces gigantesques « boîtes » qui fascinent l’écrivain depuis l’enfance – parce qu’on ignore ce qu’elles transportent – furent inventés en 1956 par un ex-camionneur américain. Environ mille cinq cents conteneurs marins disparaissent dans l’océan chaque année. Agrégé de lettres, l’écrivain consacre un beau chapitre au chef-d'œuvre de Melville, « Moby Dick » : « Un monstre. Racontant la traque d’un monstre. Par un autre monstre. »

Ono-dit-Biot a étudié avec passion le grec ancien. Cette langue, « sûrement pas morte », l’a mené vers la connaissance intime de la mythologie grecque, lien supplémentaire entre la mer et lui. Mais à l’origine de son attachement à l’immensité liquide se trouve son lieu de naissance. Il a vu le jour au Havre, à une époque où la ville, bombardée en 1944, n’était pas encore devenue à la mode. Grandir dans un port incite à tenter l’aventure et à saisir sa chance : « Avoir tous les jours l’horizon en ligne de mire, ça vous le rapproche. »

Chat majesté

Il est des livres qui ronronnent longtemps après qu’on les a refermés. Certains font même ronronner à la lecture. «  Chemoule, un chat français » fait les deux, émerveille par sa langue, sa malice, sa précision et se paie même le luxe d’un petit coup de patte politique.

Soit Chemoule, chat campagnard et pragmatique, « tête en triangle » dans laquelle se glisse l’écrivaine et poétesse Nathalie Quintane pour écrire une vie féline mode d’emploi.

Un quotidien enviable, pépère, répétitif, balisé par les objets (canapé, coussin, lit), les rituels (toilette consciencieuse et sortie), les besoins (croquettes, litière) et un sens souverain du sommeil, l’« activité la plus intelligente au monde, la plus sensible, toujours inédite ». Chemoule déteste qu’on n’ouvre pas la porte, aime la « couverture correctement pliée devant le feu », les jurons, les accents circonflexes et les points-virgules, kiffe épiler les paillassons et s’étaler sur du « mou-chaud ».

Et tandis que Chemoule cherche la meilleure posture pour mouler, Nathalie Quintane trouve des formes irrésistibles pour l’écrire, et Stephen Loye de poilants traits de plume pour le dessiner.

Tous trois nous posent les seules questions qui vaillent : est-ce qu’on est mieux « au-dessus ou en dessous » de la couverture ? « Est-ce que ça vaut le coup de sortir ? » « Mais est-ce que finalement et tout bien considéré ce ne serait pas mieux de dormir ? »