Initialement pensée pour encadrer l'ensemble de l'industrie textile, la proposition de loi contre la fast-fashion arrive au Sénat largement remaniée. La version adoptée à l'Assemblée en 2024 visait aussi bien les géants comme Kiabi, H&M, ou Zara que les plateformes asiatiques. Mais la nouvelle mouture, portée par la sénatrice LR Sylvie Valente Le Hir, concentre ses efforts sur les marketplaces chinoises comme Shein et Temu.

En filigrane : un choix assumé de préserver les entreprises européennes, même si certaines pratiquent aussi la fast-fashion. « Zara reste une entreprise européenne, elle emploie des Français et dynamise nos centres-villes », justifie la sénatrice. Cdiscount ou Zalando, qui vendent des marques européennes, sont eux aussi épargnés. Résultat : seules les plateformes les plus visibles sont ciblées, pas nécessairement les plus polluantes. 

Des critères flous et une efficacité incertaine

Officiellement, la loi ne désignera aucune marque. Les critères – nombre de références proposées ou absence d’incitation à réparer – seront définis par décret. Objectif : viser les modèles économiques jugés « outranciers » sur le plan environnemental. Exemple souvent cité : Shein affiche 600 000 produits en ligne, contre 9 000 pour Zara.

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Un système de malus écologique est aussi prévu : plus une marque pollue, plus elle devra verser une éco-contribution. Ces fonds serviront à financer la collecte et le recyclage des vêtements. Autre mesure envisagée : l’affichage d’un message de sensibilisation type « ce vêtement nuit à la planète », mais sans obligation d’étiquetage clair, comme un Nutri-Score textile. Un signal… sans transparence réelle.

Influenceurs, pubs et pouvoir d’achat

Le texte prévoit l’interdiction de faire la promotion de l’ultra fast-fashion sur les réseaux sociaux. Un prolongement de la loi influenceurs déjà en vigueur, qui proscrit la pub pour des produits financiers ou médicaux. Ici encore, la mesure fait consensus.

Mais pour les consommateurs, ce sont surtout les prix bas qui sont en jeu. Un tee-shirt à 4 euros vendu sur Temu ne coûte si peu que parce qu’il échappe à toute fiscalité française, soulignent les sénateurs. « Il faut faire passer le message : ce modèle n’est pas durable, ni pour l’environnement, ni pour notre économie », insiste Sylvie Valente Le Hir.