Dans un hémicycle clairsemé, les députés ont défini ce mardi 20 mai les conditions requises pour prétendre à l’aide à mourir. Ce fameux article 4 a été adopté avec 164 voix pour et 103 voix contre, principalement venues de la droite et de l’extrême droite.
Les députés examinent jusqu’au 27 mai deux propositions de loi sur la fin de vie. La première, sur le développement des soins palliatifs, fait consensus. La seconde, sur l’aide à mourir, divise. Le terme d’aide à mourir peut renvoyer à la fois à l’euthanasie et au suicide assisté.
Les débats ont débuté il y a trois jours. Pour le moment, les députés discutent ensemble de ce qu'ils comptent intégrer ou non dans la copie définitive de la proposition de loi. Le résultat de ces discussions sera ensuite soumis au vote du Parlement.
En quoi consiste cette mesure ?
Samedi dernier, la création d’un « droit à l’aide à mourir » a été approuvée. Les députés se sont chargés mardi de définir les critères d’éligibilité à cette aide.
L’article 4, l’un des plus importants du texte, établit cinq conditions cumulatives permettant d’être éligible à l’aide à mourir :
- être âgé d’au moins 18 ans ;
- être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
- être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale ;
- présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ;
- être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Après l’adoption de ces conditions cumulatives, les députés se penchent désormais sur la procédure de l’aide à mourir - de la demande du patient à sa mise en œuvre éventuelle - telle qu'elle se déroulera si le texte, dont le parcours législatif ne fait que commencer, est définitivement adopté par le Parlement.
Si jamais ce n’est pas encore très clair pour vous, on vous explique ici la différence entre euthanasie, suicide assité et assistance au suicide.
Pourquoi le politique s’empare-t-il de ce sujet ?
Actuellement, la fin de vie en France est régie par la loi Claeys-Leonetti, adoptée en 2016, qui dispose notamment que les malades incurables peuvent bénéficier d’une « sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Les opposants à l’aide à mourir considèrent que ce texte ainsi que le premier volet de la loi sur les soins palliatifs suffisent à répondre aux besoins des malades.
Dans l’ensemble les français, eux, sont majoritairement favorables à l’aide à mourir. La question avait fait l’objet d’une convention citoyenne à la demande de l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne. Dans leur rapport final, les 184 français tirés au sort s'étaient prononcés en faveur de l’aide à mourir, sous conditions.
Du côté du corps médical, 74 % des médecins interrogés jugent souhaitable que la France légalise l'aide médicale active à mourir pour les patients qui la demandent expressément et de manière réitérée, selon un sondage Ifop pour l'Association pour le droit à mourir dans la dignité.
Enfin, de nombreuses personnalités ont contribué à imposer cette question dans le débat public comme Bernard Tapie, Françoise Hardy, Line Renaud ou encore le journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot.
Emmanuel Macron, lui, a longuement hésité avant d’engager son gouvernement dans l’écriture d’un projet de loi. Le texte a finalement été proposé l’an dernier… avant de voir son examen suspendu par la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024. Mardi 13 mai dernier, sur le plateau de TF1 face à l’intervention de Charles Biétry, le Président a toutefois réitéré son souhait de faire adopter ce texte.
Certes les élus de gauche ont tendance à y être plus favorables que les élus de droite. Pour autant, aucune consigne de vote n’est donnée dans l’ensemble des partis. Tous considèrent que les considérations religieuses, éthiques et philosophiques de chacun dépassent les clivages politiques.
Qu’est-ce-que ça va changer pour vous ?
L'aide à mourir pourrait concerner « 4 000 personnes par an » en France, estime Catherine Vautrin, la ministre du Travail et de la Santé. Toutes ces personnes, si elles sont reconnues éligibles, n’auront plus à se déplacer en Suisse ou en Belgique pour y recourir, avec toutes les difficultés organisationnelles et le déchirement de quitter son pays que cela implique.
Si vous étiez réticent par l’attitude des députés dans certains débats à l’Assemblée, sachez que les discussions autour de la fin de vie se tiennent dans un climat étonnamment apaisé. Les chefs de partis redoutaient que leurs élus montent dans les tours sur le deuxième texte portant sur l’aide à mourir, mais il n’en est rien. Au contraire, tous les élus, parfois diamétralement opposés sur la question, parviennent à dialoguer dans le respect.
Toutefois, le parcours législatif de la proposition de loi est loin d’être terminé. Le texte doit être soumis au vote des sénateurs, majoritairement de droite. Sur le plateau de TF1, Emmanuel Macron a mentionné la possibilité d’un référendum sur la fin de vie en cas d’« enlisement » du Parlement.