Une soirée de scrutins historiques à l'Assemblée nationale. 305 contre 199 ont approuvé cette réforme sociétale majeure : l’aide à mourir. Avant cela, les députés avaient adopté le texte sur le développement des soins palliatifs, cette fois-ci à l’unanimité.
Aucune consigne de vote n’avait été donnée par les chefs de partis. Mais sans surprise, les élus du Palais-Bourbon se sont partagés entre la gauche et le « bloc central », majoritairement favorables au texte, et la droite et l’extrême droite, plutôt opposés. Le débat n’a pas été le même pour le texte relatif aux soins palliatifs et d’accompagnement qui a obtenu 560 votes pour.
Au moment du vote, l'atmosphère était solennelle dans l’hémicycle. Tout au long des débats, les députés ont su échanger dans le calme, un respect entre les élus toutes couleurs confondues, qui tranche avec les tumultes que connaît l’Assemblée depuis la dissolution de juin 2024.
En quoi consiste cette mesure ?
À la demande du premier ministre, François Bayrou, le projet a été scindé en deux propositions de loi distinctes : la première sur les soins palliatifs, et la seconde sur le droit à l’« aide à mourir ».
Le volet sur l’aide à mourir prévoit qu’une personne peut en bénéficier uniquement si elle remplit simultanément cinq conditions. Parmi les plus débattues : celle d’être capable de manifester sa volonté « de façon libre et éclairée », d’avoir déclaré une maladie grave et incurable engageant son pronostic vital, en « phase avancée » ou terminale et de présenter une souffrance physique ou psychologique « réfractaire ou insupportable ».
La décision est prise de façon collégiale, dans un délai de quinze jours après que le patient ait fait sa demande. Tout médecin ou infirmier peut faire valoir une « clause de conscience » lui permettant de refuser de pratiquer l’aide à mourir. Un délit d’entrave à l’accès à l’aide à mourir, similaire à celui en vigueur pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG), est puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende.
Du côté des soins palliatifs, les députés ont approuvé la création d'un « droit opposable » aux soins palliatifs. Ce qui signifie qu'un malade en demande de soins palliatifs, et qui ne les reçoit pas, pourra saisir la justice pour ordonner sa prise en charge en urgence. Le texte vise notamment à ce que soient créées des unités de soins palliatifs dans chaque département du pays, avec un premier objectif de deux unités minimum par région en 2030. Le texte crée un « droit à bénéficier d’un accompagnement et de soins palliatifs », mesure dont l’effectivité sera garantie par les Agences régionales de santé (ARS).
Pourquoi le politique s’empare-t-il de ce sujet ?
La loi Claeys-Leonetti de 2016 encadre la fin de vie en France et permet une sédation profonde pour les malades incurables mais pas le suicide assisté. Malgré l'opposition de certains collectifs principalement religieux, une majorité de Français et de médecins soutiennent l'aide à mourir, comme le montre un sondage Ifop. Des personnalités comme Line Renaud et Charles Biétry ont aussi influencé le débat. Emmanuel Macron a relancé l'idée d'un projet de loi, suspendu en 2024, et réaffirmé son choix en mai 2025. Grand défenseur de l’aide à mourir, le député socialiste Olivier Falorni a également imposé le sujet à l’Assemblée. On revient plus en longueur sur les origines de cette loi dans notre info politique de la semaine dernière.
Ce n’est pas un hasard si le gouvernement s’engage à développer les soins palliatifs sur l’ensemble du territoire, en parallèle de la réforme de l’aide à mourir. Seuls 30 % des patients qui en ont besoin y auraient accès, selon la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.
À l’origine les deux volets étaient réunis dans un seul et même texte, ainsi les défenseurs de l’aide à mourir espéraient influencer les élus hésitants. Enfin, c’était aussi un gage donné aux détracteurs de l’euthanasie : certains affirment que si l’on développe l’aide à mourir, c’est faute d’accès suffisant aux soins palliatifs.
Qu’est-ce-que ça va changer pour vous ?
Si vous vivez dans les Ardennes, les Pyrénées-Orientales ou encore la Corrèze, vous résidez dans l’un des vingt départements du territoire qui ne dispose pas de services de soins palliatifs pour des patients en hospitalisation complète. Le texte de loi voté mardi tente d’y remédier d’ici 2030, mais le chemin législatif à parcourir est encore long.
Les deux textes doivent être transmis au Sénat à l’automne, où les élus de cette chambre à majorité de droite entendent déjà modifier en profondeur les deux textes. Puis l’ensemble reviendra en deuxième lecture à l’Assemblée, avant de repartir ensuite au Sénat - sauf si ce dernier ne modifie pas une seule virgule en deuxième intention. La ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, espère qu’ils soient achevés avant l’élection présidentielle de 2027. L’objectif est aussi politique pour le « bloc central » au Parlement : leur champion, Emmanuel Macron, en avait fait une promesse de campagne en 2022.