Lorsqu’Aurore Bardey, professeure associée en marketing à la Burgundy School of Business de Dijon, m’a proposé de participer à une étude autour du vestiaire minimaliste et d’une « fashion détox », j’ai tout de suite accepté. L’objectif : mesurer l’impact psychologique (bien-être personnel, dimensions écologiques et environnementales) de la mode sur son quotidien. Le principe est simple : vivre ma vie durant trois semaines, sans acheter aucun article de mode et en m’habillant avec un dressing composé d’une trentaine de pièces mode seulement. Ça vous paraît beaucoup ? À moi aussi, du moins au début. Or, mon mini vestiaire devait comprendre vêtements, mais aussi chaussures, sacs à main, bijoux, foulards, écharpes, ceintures… Bref, tout sauf les sous-vêtements. Autant vous dire qu’avec mes six (voire sept) bijoux portés quotidiennement et mes cinq paires de chaussures fétiches que j’enfile à tour de rôle dans la semaine, je partais du mauvais pied (sans mauvais jeu de mots).
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Première étape : composer mon dressing minimaliste
Me voilà donc le 12 janvier devant mes placards pleins à craquer, prête à composer le vestiaire qui m’accompagnera ces prochaines semaines. Je suis les instructions et les astuces que l’on m’a préalablement données : choisir des pièces confortables que je porte régulièrement, mais surtout qui vont toutes (ou presque) ensemble afin d’avoir une possibilité de tenues maximum. Première pensée : « Dommage que je fasse cette expérience en plein hiver, il me faut des t-shirts, des hauts à manches longues et des chemises EN PLUS de plusieurs pullovers ». Je sélectionne d’abord quatre pulls en laine, avant que trois modèles supplémentaires ne viennent s’ajouter à la petite pile dans un vent de panique. Pour les t-shirts et autres tops, je mise sur des basiques : débardeur blanc, débardeur noir, t-shirt noir, col roulé noir, chemise blanche. Deuxième pensée : « Je vais fêter mon anniversaire, il me faut au moins deux pièces festives. » J’ajoute une blouse à imprimé léopard et une mini-jupe en similicuir effet croco que je ne mets jamais (intelligent, non ?). Trois jeans complètent mon nouveau dressing, un noir, un 501 classique un poil trop serré et un split jean gris anthracite, ainsi que deux pantalons que je porte régulièrement ces derniers temps, un noir en similicuir et un large à carreaux foncés. J’en suis déjà à 19 pièces et je dois encore faire ma sélection parmi mes manteaux, mes sacs, mes bijoux, mes chaussures et mes tenues housewear, type jogging, sweatshirts et t-shirts pour traîner. Deuxième pensée : « Ça va être chaud. »
« Côté manteaux, je n’en choisis qu’un seul - une longue peau lainée noire »
Troisième pensée : « Heureusement que je ne fais pas de sport en ce moment, la galère sinon. » J’ajoute respectivement deux sweatshirts, t-shirts et pantalons de jogging et je passe au plus douloureux : les chaussures. Je choisis deux paires de baskets, des blanches et bleues Adidas et des blanches et oranges Nike, ainsi qu’une paire de bottes noires Jonak. J’en suis à 28 articles, je me sépare à contrecœur d’une de mes bagues favorites pour ne sélectionner « que » cinq bijoux (une paire de boucles d’oreilles et quatre bagues. Je l’avoue, je ne compte pas le collier de ma grand-mère qui ne me quitte jamais). Côté manteaux, je n’en choisis qu’un seul - une longue peau lainée noire - et pour les sacs, le choix est vite fait puisque je n’en porte que deux en ce moment. Me voilà avec les 36 pièces qui vont composer mon vestiaire durant trois semaines. Pas de ceinture (merci les kilos pris dernièrement qui m’aident à maintenir mes pantalons), pas de foulard, pas d’écharpe, pas de bonnet ni de gants. Je prends le risque. Quatrième pensée : « Pourvu que la météo soit clémente. »
Première semaine de détox : pas si compliqué finalement
Les premiers jours de mon expérience se sont bien déroulés. Pas de prise de tête, ni sur le choix des vêtements, ni sur quelle paire de chaussures miser. Les décisions sont simples à prendre puisque les possibilités sont réduites, et ce n’est pas plus mal. J’arrive à alterner entre mes pulls et mes pantalons, même si j’ai tendance à réduire encore un peu plus mon choix à seulement deux bas que je fais tourner et trois pulls sur les sept sélectionnés. Le télétravail me permet de faire des machines lorsqu’il y en a besoin. « Trop facile », je pense. Mais c’était sans compter les soldes d’hiver et les sélections shopping mode à faire pour l’occasion dans le cadre de mon travail. Je repère au cours de l’une d’elle la parka de mes rêves à -30%. Dur, mais pas le droit de craquer puisque la détox de mon vestiaire se fait aussi du côté des achats. Sixième pensée : « J’épingle juste l’onglet pour plus tard, au cas où… »
Deuxième semaine de détox : quelques craquages
J’attaque ma deuxième semaine, confiante. M’habiller ne m’aura jamais pris aussi peu de temps. C’est agréable. Mais ça se complique dès le lendemain, lorsque je reçois un sac baguette rose (canon) en cadeau et que l’envie irrépressible de le porter m’emporte. Je pars faire quelques courses et je pioche un manteau bleu (pas porté depuis deux ans) qui contraste bien avec, et qui, vous l’aurez compris, ne fait évidemment pas partie de ma sélection originelle. Un plaisir coupable qui m’amène à ma septième pensée : « Ça va, je craque juste pour aller faire deux-trois courses, 30 minutes à peine… » Et effectivement, une fois rentrée, j’ai rangé le manteau… mais pas le sac. Je l’avoue, je l’ai à nouveau embarqué dès le lendemain pour retrouver des amis au restaurant. Au-delà de ces deux craquages, je me suis tenue à mes 36 pièces le reste de la semaine. Plus encore, certaines sélectionnées n’ont toujours pas été portées, comme - sans trop de surprise - la mini-jupe effet croco ou mon jean 501, celui dans lequel je suis un peu à l’étroit.
« Certaines sélectionnées n’ont toujours pas été portées, comme - sans trop de surprise - la mini-jupe effet croco »
Troisième et dernière semaine de détox : j’en ai marre
La dernière semaine de mon vestiaire minimaliste est arrivée, et avec elle, ma soirée d’anniversaire. Vais-je enfin porter la fameuse mini-jupe ? Je vais laisser le doute planer encore un peu. Cette semaine encore, je pioche machinalement dans les trois petites piles qui composent mon dressing du moment, un peu lassée. Je porte beaucoup de noir depuis le début de ma détox - plus que d’habitude du moins – et je finis donc par me laisser convaincre par ce pull bleu électrique pas encore arboré jusque-là pour je ne sais quelle raison. J’ai l’impression d’être une nouvelle personne avec et ça fait du bien. J’avoue avoir craqué une troisième et dernière fois cette semaine-là, en portant le dernier dimanche de l’expérience une paire de bottines blanches à talons, offertes par mes amis deux jours plus tôt. Avec elles, j’opte pour un manteau orange que j’adore et qui ne fait pas partie de mon dressing minimaliste. Huitième pensée : « Quitte à craquer, autant le faire à fond. » Pas très fière d’avoir cédé, mais qu’est-ce que c’est plaisant de porter autre chose que ce à quoi je me suis habituée ces dernières semaines…
« Même mes amis semblaient blasés de me voir arriver, toujours vêtue des mêmes vêtements »
Un bilan contrasté
Le moment de faire le bilan de ces trois semaines de fashion détox est venu. D’une part, il est vrai que n’avoir eu que peu de vêtements et accessoires pour composer mes tenues était assez plaisant. J’étais à la fois contente et soulagée de gagner du temps le matin et de ne plus avoir à (trop) me préoccuper de ce que j’allais me mettre sur le dos. Une charge mentale en moins en quelque sorte. Mais d’autre part, la modeuse en moi a ressenti de la frustration à plusieurs moments, si bien que des vêtements non portés depuis longtemps m’attiraient à nouveau tellement mes outfits (très) répétitifs me lassaient. Même mes amis semblaient blasés de me voir arriver, toujours vêtue des mêmes vêtements à la manière de « Un jour sans fin ». Plus personne ne me faisait de compliment sur un pull qu’ils auraient oublié ou sur ma tenue plus lookée ou originale que d’habitude. J’étais donc tout naturellement heureuse de retrouver la totalité de mon dressing et les jours suivant la fin de l’expérience m’ont semblé être comme une délivrance. La parka de mes rêves repérée à -30% était désormais sold-out et, bien-sûr, je n’ai jamais porté la fameuse mini-jupe effet croco, mise en vente sur mon Vinted depuis.