Les boucles brunes de Narges Mohammadi, cascadant en toute liberté en couverture de ELLE, sont un manifeste. Un geste de défi que la Prix Nobel de la paix 2023 avait fixé comme condition : elle posera pour nous, oui, mais évidemment sans tchador, symbole de l’oppression exercée par la République islamique sur les Iraniennes. 

Au pays des mollahs, en 2022, quelques mèches de cheveux laissées libres ont valu à Mahsa Amini d’être battue à mort, déclenchant le mouvement « Femme, vie, liberté » qui continue d’ébranler le régime. C’est dire l’audace inouïe de cette chevelure, de ces couleurs… Le pouvoir abhorre les signes extérieurs de féminité ? Narges Mohammadi les exalte, au péril de sa vie. 

Une parole précieuse

Autorisée à quitter pour quelques semaines la prison d’Evin, à Téhéran, afin de subir une intervention médicale, l’infatigable militante a accepté de répondre par écrit et message vocal à notre reporter Ève Chancel. Une parole précieuse et puissante livrée mi-décembre dans le secret de sa résidence surveillée. Mesurez son courage : quand vous lirez ces lignes, elle sera probablement déjà retournée en cellule. 

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L’activiste de 52 ans pose pour ELLE, maquillée, sourire bravache et déterminé. Un sourire qui dit la volonté de ne pas plier, qui dit l’espoir que rien ne peut entamer, malgré les dix années déjà passées derrière les barreaux, les condamnations à 145 coups de fouet et trente-six ans d’emprisonnement. Rarement un rouge à lèvres aura été si politique. Rarement le courage d’une femme aura été si puissant. En s’exposant, en s’adressant à vous, à nous, Narges Mohammadi choisit une fois encore la liberté des Iraniennes, la liberté de toutes, au prix de la sienne.

L'édition de la semaine :

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ELLE n°4124. © Nooshin Jafari