La vérité sur la longévité : « Le "bon” gras est essentiel au corps et au cerveau »

Finis les dogmes rigides sur l’alimentation, le sport ou le poids idéal. Des experts nous dévoilent des pistes simples, accessibles et parfois surprenantes pour vivre mieux, plus longtemps.
Le désir est universel, et ces dernières années le sujet a été monopolisé par les biohackers, cette communauté cherchant par tous les moyens à remonter le temps . Dans l’espoir obsessionnel de retrouver une jeunesse perdue, certains quantifient ainsi systématiquement toute donnée biologique à leur disposition pour établir la meilleure hygiène de vie possible. Même si elle est extrême, cette démarche s’appuie sur des avancées scientifiques réelles.
On comprend de mieux en mieux les mécanismes à l’œuvre dans le vieillissement, et on sait ce dont nos organes ont besoin pour rester en bonne santé durablement. Nul besoin de prendre un nombre infini de gélules ou de s’injecter des substances étranges : les principes pour lutter contre le vieillissement, désormais considéré par de nombreux médecins comme une « maladie », sont beaucoup plus simples. Le point sur quelques idées reçues.
« Pratiquer le jeûne intermittent est un must pour vivre longtemps ». Plusieurs experts le recommandent.
« Effectivement, c’est une bonne idée de ne pas manger pendant quinze à seize heures d’affilée », explique le Dr Olivier Courtin-Clarins. Concrètement, la plupart des adeptes de ce style de vie dînent tôt, puis se passent de petit déjeuner ou le prennent sur le tard.
« De nombreuses études montrent des bénéfices, avec parfois une légère perte de poids , mais ça, ce n’est pas le plus important, poursuit Olivier Courtin-Clarins. Cela réduit l’inflammation générale, avec des effets bénéfiques sur le système cardiaque, et on constate une baisse de la tension. Cela favorise aussi le phénomène d’autophagie, c’est-à-dire le processus d’évacuation des cellules sénescentes. »
Ces dernières, appelées « cellules zombies », sont en effet nuisibles. « Elles sont liées à l’apparition de nombreuses maladies, dont certains cancers, poursuit l’expert. Normalement, on les élimine de manière naturelle, mais, en vieillissant, le processus ralentit. En laissant le corps au repos, on le relance. »
Comment s’y mettre ? Dans son livre « Optimisez votre santé » (éd. Marabout), la docteure en biologie Émilie Steinbach conseille de décaler progressivement ses horaires : passer d’abord douze heures sans manger, puis augmenter petit à petit.
« Manger végétarien permet de gagner en longévité ». C’est plus subtil.
« Je trouve dangereux de poser des interdits sur les aliments, répond le Dr Olivier Courtin-Clarins. Mais je conseille de diminuer les graisses animales, qui contiennent beaucoup d’acides gras saturés dont nous n’avons pas besoin. Le régime pescétarien est très intéressant. Grâce aux poissons et aux crustacés, on apporte de la vitamine B, des minéraux comme le fer, le zinc et le sélénium, des oméga-3 et des acides aminés extrêmement importants. Il est crucial, si on est végétarien, de combiner des légumineuses et des céréales pour faire le plein d’acides aminés variés et essentiels. »
Émilie Steinbach propose un régime alimentaire faisant la part belle aux végétaux : elle conseille d’en consommer au moins trente différents par semaine, en incluant les noix, les graines et les huiles. De façon générale, les experts insistent sur la diversité des aliments pour apporter tous les nutriments dont le corps à besoin. « Les superaliments à la mode ne suffisent pas, c’est vraiment la variété qu’il faut viser », poursuit Olivier Courtin-Clarins. Et si on aime la viande ? Émilie Steinbach propose de manger une à deux portions de viande blanche par semaine, et une portion de viande rouge maigre si on le souhaite.
« Il faut faire du cardio pour être en bonne santé ». Oui, mais pas seulement.
Tous les experts insistent sur l’importance de l’activité physique. Dans son ouvrage « Les Muscles. Votre plus grande force vitale » (Souccar Éditions), la médecin nutritionniste américaine Gabrielle Lyon rappelle l’importance de soutenir les muscles squelettiques, ceux qui font bouger les os pour contrôler nos mouvements.
Sur le long terme, cela aide à renforcer les os, fait baisser le taux de triglycérides, protège le métabolisme, augmente la capacité à affronter les maladies et améliore l’humeur. Elle conseille d’opter pour un mélange de travail musculaire en résistance, souvent avec des poids, et de séquences alternant exercices d’endurance et exercices de haute intensité, beaucoup plus courts.
Le « Journal of Applied Physiology » s’est penché sur le cas de Richard Morgan, quadruple champion du monde de rameur d’intérieur. À 93 ans, il aurait le corps d’un homme de 40 ans grâce à son activité sportive : 70 % de sa pratique sont consacrés à un entraînement de basse intensité, facile pour lui, 20 % à des exercices plus difficiles et 10 % à l’effort intense. Il effectue 40 minutes de rameur chaque jour, avec des séances de renforcement musculaire ponctuelles.
« Il faut traquer le gras ». Tout dépend lequel !
La notion de « bon gras » et de « mauvais gras » vous est sans doute familière. « Si vous souhaitez mincir, oui, vous pouvez diminuer votre apport, explique Olivier CourtinClarins, mais les acides gras, insaturés et polyinsaturés, sont nécessaires. » Émilie Steinbach renchérit : « Le gras est essentiel au corps et au cerveau ! »
Le « bon gras » est contenu dans les végétaux (noix, graines, olives, avocats, colza…). Elle rappelle l’importance des oméga-3, qui soutiennent le fonctionnement du cerveau, et conseille de consommer deux boîtes de petits poissons gras (sardines, harengs, maquereaux…) par semaine.
« En revanche, les acides gras transformés, comme les huiles hydroxylées présentes dans certains aliments transformés, sont à éviter », préconise Olivier Courtin-Clarins. En clair, on oublie les chips !
« Il n’y a pas de “foutu pour foutu” ». Vrai.
C’est l’une des conclusions les plus réjouissantes des études récentes, notamment concernant l’activité physique. À tout âge, l’organisme peut voir les bénéfices d’un changement de style de vie. Une étude publiée l’an dernier dans le « Journal of Sports Medicine » s’est penchée sur le lien entre la marche et la longévité des personnes de plus de 40 ans.
Elle montre que si l’ensemble de la population était aussi actif que les 25 % les plus actifs, nous gagnerions cinq ans d’espérance de vie. Et si les personnes les plus sédentaires marchaient une heure de plus chaque jour, elles pourraient espérer vivre onze ans de plus.
Une autre étude, menée en Grande-Bretagne fin 2023, a montré que, en modifiant son régime alimentaire à partir de 40 ans (pour une version plus saine, bien sûr), on peut gagner jusqu’à dix ans.
« On peut agir sur sa longévité même en étant en surpoids ». Vrai.
Une étude menée l’an dernier a montré que l’on peut être en bonne santé quel que soit son poids. Les scientifiques de l’université de Virginie, aux États-Unis, ont compilé des travaux portant sur plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de femmes pour comprendre la relation entre surpoids, activité sportive et longévité.
L’étude conclut qu’il est plus important de viser l’activité sportive plutôt que la minceur, et montre que l’on peut vivre en bonne santé et longtemps du moment qu’on reste actif. Le sport réduit largement le risque de maladie chez les personnes obèses. Une activité d’intensité modérée, comme de la marche rapide en bougeant les bras, pratiquée plusieurs fois par semaine, suffit à faire baisser le risque.
« La cryothérapie ou les bains glacés sont recommandés ». Pas vraiment.
Vous avez sans doute vu sur les réseaux sociaux des gens se plonger dans des bains froids ou entrer dans des cabines glacées. « Après un très grand intérêt pour la cryothérapie, notamment chez les sportifs, on en revient, juge Olivier Courtin-Clarins. Ces cures ne sont pas nécessaires.
En revanche, prendre des douches froides est très bénéfique pour la circulation sanguine. Cela stimule le système immunitaire et a même des effets positifs sur le sommeil. Terminez votre douche matinale par un jet d’eau froide. » Émilie Steinbach souligne que ce rituel active la thermogénèse, ce processus naturel qui permet de se réchauffer, avec potentiellement des effets positifs sur le métabolisme.
« On ne peut pas booster son cerveau ». Faux.
« Si, bien sûr, répond le Olivier Courtin-Clarins. Faire des efforts pour se souvenir des choses et lire régulièrement sont de bons outils pour rester en bonne santé cognitive. » Émilie Steinbach conseille aussi d’apprendre une langue ou à jouer d’un instrument de musique.
Et tous deux insistent sur l’importance d’entretenir des liens sociaux variés. « Toutes les études prouvent que l’isolement cause des problèmes de santé. En couple, on vit mieux et plus longtemps. Les liens sociaux sont un pilier de l’épigénétique », rappelle Olivier-Courtin Clarins.
