Pour bien comprendre l’engouement, il faut remonter dans le temps, en 2009. Lady Gaga cartonne sur les ondes avec son album « The Fame ». La planète découvre cet ovni visuel, tantôt couverte de couches improbables de vêtements, tantôt perchées sur des chaussures avec lesquelles personne n’oserait marcher. Ou maquillée d’une bouche en cœur noir, comme personne ne le faisait jamais. On demande une interview à la maison de disque, c’est non, elle n’en donne plus vraiment, elle garde sa parole rare, elle fait bien la couverture de quelques gros magazines, mais elle ne passe plus à Paris dans les prochains mois de toutes façons. « L’année dernière, quand elle débutait, on n’arrivait pas à la caser, et maintenant, tout le monde la veut en interview, et elle ne fait plus rien. »
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Quinze ans plus tard, Lady Gaga a assis son statut de star mondiale, avec des millions d’albums vendus, une carrière au cinéma, un Oscar, des fans toujours aussi fidèles, des tournées à guichets fermés. Et désormais, un nouveau business, Haus Labs, sa marque de cosmétiques. Et l’on ne pensait pas que ce serait pour parler d’autre chose que de musique que l’on aurait pu avoir accès à Lady Gaga. Et pourtant. C’est pour ses produits de beauté que la Mother Monster accepte de discuter avec nous.
« Je ne voulais pas vendre mon look beauté »
Car après avoir conquis une partie de la planète, Haus Labs s’installe en France, ce mardi, chez Sephora. Une énième marque de beauté ciglée au nom d’une star mondiale ? Elle assure que non. « Je ne voulais pas vendre mon look beauté », confie-t-elle, par ordinateur interposé. En effet, si vous êtes bloqué dans le temps, vous imaginez peut-être Lady Gaga avec un make-up bariolé, comme sur la couverture d’ « Applause ». Mais c’est une blonde très simple, au naturel, qui apparait sur l’écran, avec une petite robe noire, un teint uniforme, et aucun autre artifice. Bon, elle affichait quand même les sourcils décolorés. Elle se mouche un peu, explique que c’est la saison, il fait frais. Elle est douce, bienveillante. Au bureau, les journalistes se cachent à côté de moi pour avoir l’impression de passer un moment avec elle aussi. Une de nos rédactrices beauté est au sol, à côté du bureau, pour assister à cette scène en toute discrétion. Chacun y va de son commentaire, en chuchotant. Tout le monde est fasciné. Après tout, c’est Lady Gaga. Enfin, aujourd’hui, c’est la femme d’affaires qui parle. Celle qui explique la genèse de Haus Labs, et sa découverte du maquillage quand on lui demande de parler de son enfance. « Mon tout premier souvenir est celui de ma mère. Tous les matins, elle prenait sa douche, elle mettait ses cheveux dans des rouleaux, elle ouvrait un tiroir et commençait à se préparer. Elle nettoyait son visage, mettait de la crème hydratante, se massait, et puis se maquillait. C’était son visage pour la journée. Elle était femme d’affaires, j’étais fascinée par tout ce qu’elle faisait pour prendre soin d’elle, et même si ce n’était pas une artiste, elle performait chaque jour dans son bureau. Quand elle se maquillait, ce n’était pas qu’un moment de self care, c’était aussi ce qu’elle faisait pour se présenter au monde. »
« Quand j’ai débuté, la beauté traditionnelle ne fonctionnait pas avec ma carrière »
Dès lors, la petite fille rêve de maquillage, et l’adolescente pioche dans le tiroir de sa mère, ou consacre son argent de poche à acheter des produits bon marché. Au fil des ans, elle expérimente. « C’était une façon d’inventer un nouveau moi, de comprendre mon identité, cela m’apportait de la confiance en moi, ce dont je manquais avant. » Son make-up devient un élément à part entière de sa construction artistique. « Quand j’ai débuté, la beauté traditionnelle ne fonctionnait pas avec ma carrière, j’ai repoussé les limites, j’ai proposé une riposte aux normes féminines de l’époque, au patriarcat. » Désormais, le beauty look assagi, Lady Gaga constate avec bonheur la célébration de l’esthétique sur les réseaux sociaux, « parce que c’est une forme d’art ». Mais pour elle, ce qui change, c’est ce que les consommateurs veulent. « Avant le Covid, on ne savait pas ce qu’étaient les anticorps, et maintenant, on écoute les médecins, on sait que les vaccins sont efficaces, la culture a changé, et donc on veut savoir ce qu’on met sur notre visage. On croit en la beauté intelligente. » Lady Gaga et l’équipe de Haus Lab ont donc pensé tous leurs produits avec pour leitmotiv : la skincare intégrée au maquillage. Derrière sa caméra, elle insiste, ses produits sont pensés pour être des soins. Les fonds de teint vont soigner votre peau. Les gloss vont hydrater vos lèvres. « Je travaille avec des laboratoires à qui je fais confiance », martèle-t-elle. Car aujourd’hui, à 38 ans, Lady Gaga voit le maquillage comme une forme de bien-être avant tout. Après cette leçon de self care, j’éteins la caméra, et j’entends autour de moi le brouhaha des conversations qui reprennent, analysant point par point tout ce que Lady Gaga a dit. Le constat est unanime : plus que jamais, on comprend pourquoi Gaga a réussi à mettre le monde à ses pieds.