Heureuses sont les femmes qui ont connu l’arrivée des sextoys clitoridiens sur le marché ! Balayant les théories freudiennes et autres mythes vaginocentrés, ces jouets ont inauguré une révolution dans la conquête de l’orgasme féminin. Le Rabbit, popularisé par la série « Sex and the City » à la fin des années 1990, est l’un des premiers vibromasseurs à avoir proposé une double stimulation et ainsi contribué à légitimer ce plaisir méprisé.
Progressivement, des produits exclusivement dédiés au clitoris sont apparus, abandonnant la pénétration vaginale. L’invention du Womanizer et de son système à air pulsé, en 2014, a marqué une nouvelle étape dans cette révolution sexuelle féminine.
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Succion, vibration, pulsation, rotation… Aujourd’hui, la diversité des stimulateurs clitoridiens est garante d’un plaisir accessible et assumé. Enfin libres de jouir en paix, vous direz-vous ? C’était sans compter une croyance populaire tenace, qui prête aux stimulateurs clitoridiens un risque de désensibilisation. Notre précieux organe - qui surpasse la sensibilité de la pulpe des doigts - peut-il réellement être mis hors service par ces joyeuses avancées technologiques ? Avant de mettre au placard nos jouets préférés, nous avons demandé l’avis de Sabrina Leroy, sexologue clinicienne spécialisée dans les troubles sexuels.
ELLE. Les sextoys peuvent-ils désensibiliser le gland du clitoris ?
Sabrina Leroy. C’est difficile à vérifier car il n’existe pas de recherches scientifiques sur le sujet. En ce qui me concerne, ce n’est pas une problématique que j’observe en consultation, ni que j’entends dans les discours des médecins avec lesquels je travaille. Une utilisation intensive peut diminuer temporairement la sensibilité du clitoris, mais les sextoys n’abîment pas l’organe sur le long terme. En tout cas, aucune étude ne le prouve pour l’instant.
ELLE. À quoi est due cette insensibilité temporaire ?
S. L. Lorsqu’il est en phase d’érection, le clitoris, riche de ses 10 000 terminaisons nerveuses, devient particulièrement sensible. Une stimulation excessive peut temporairement fatiguer ces nerfs et diminuer leur réceptivité. Une simple pause suffit généralement pour que tout revienne à la normale. C’est un phénomène courant qui s’observe avec d’autres parties du corps : si vous exercez une pression prolongée sur un nerf, vous finirez par ne plus rien sentir, car le cerveau s’habitue et inhibe la sensation.
ELLE. Quels signes peuvent indiquer une perte de sensibilité ?
S.L. Si les sensations semblent atténuées et que l’on a besoin d’une stimulation plus appuyée, cela peut traduire une légère anesthésie du clitoris. Encore une fois, celle-ci est temporaire. La même chose peut se produire avec les récepteurs du vagin lors d’un rapport pénétratif long et intense. Par contre, si cette perte de sensibilité s’inscrit dans le temps, qu’elle est accompagnée de douleurs, il est nécessaire de consulter un médecin.
ELLE. Il y a plusieurs types de sextoys pour le clitoris sur le marché. Certains présentent-ils davantage de risques ?
S. L. Pas vraiment. Les sextoys vibrants ont un contact direct plus appuyé, donc ils sollicitent davantage le clitoris. Mais les jouets à air pulsé peuvent aussi provoquer un engourdissement temporaire si on les utilise de manière continue. Ce n’est pas tant le type d’objet que la façon dont on s’en sert qui est en cause.
ELLE. Existe-t-il des normes en matière de stimulateurs clitoridiens ?
S.L. La norme internationale ISO 3533 établit des critères pour la fabrication des sextoys afin de minimiser les risques de blessures lors d’une utilisation normale et prévisible. Pour les jouets vibrants, cette norme recommande d’évaluer les dangers potentiels liés aux vibrations. Quant aux modèles à impulsions électriques, ils doivent faire l’objet d’une évaluation des risques par un organisme tiers qualifié. Cependant, les fabricants ne sont pas légalement tenus de respecter ces normes ISO. Il est donc préférable de rester vigilant et d’éviter d’acheter des sextoys provenant de sources inconnues ou douteuses.
ELLE. Les stimulateurs clitoridiens sont-ils donc sans danger ?
S.L. Le vrai risque lié à l’utilisation des stimulateurs clitoridiens, c’est de s’habituer à un type de sensation très spécifique, presque mécanique, au point de ne plus parvenir à jouir sans eux. Les vibrations, telles qu’elles sont produites par ces appareils, ne peuvent pas être reproduites naturellement lors d’un rapport à deux. Cela ne signifie pas qu’il faut arrêter de les utiliser, bien au contraire : ces jouets aident de nombreuses femmes à découvrir ou atteindre l’orgasme. Mais je recommanderais de les utiliser de manière ponctuelle, ils doivent rester une pratique parmi d’autres. La clé d’une sexualité épanouie, c’est la diversité.