C’est une bombe politique que les sénateurs viennent de lâcher. Après six mois d’auditions et l’analyse de plus de 70 témoignages, leur rapport accuse : l’État aurait choisi de ne pas informer les Français des pratiques illégales de Nestlé Waters. Dès 2020, le groupe avait détecté sur ses sites – notamment Perrier, Hépar et Contrex – l’usage de traitements interdits sur ses eaux minérales. Dès 2021, l’information remonte jusqu’à l’Élysée. Et pourtant : silence radio.

« Une stratégie délibérée »

Révélé par la «  Cellule investigation de Radio France », le rapport de la commission affirme que « cette dissimulation relève d’une stratégie délibérée, abordée dès la première réunion interministérielle sur les eaux minérales naturelles le 14 octobre 2021 ».

Pendant près de quatre ans, les autorités locales, européennes et les consommateurs n’en sauront rien. Et aujourd’hui encore, note le rapport : « la transparence n’est toujours pas faite ».

Nestlé informait l’État depuis 2021

Nestlé Waters avait sollicité le gouvernement mi-2021, puis l’Élysée, après avoir découvert fin 2020 sur ses sites Perrier, Hépar et Contrex l’usage de traitements interdits. Dix-huit mois plus tard, un plan de transformation est discrètement validé.

Objectif : remplacer les traitements interdits par une microfiltration à 0,2 micron. Or, ce procédé, bien que plus discret, peut « priver l’eau minérale de ses caractéristiques », selon les termes du rapport.

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Le rapport dénonce le fait qu’« aucune suite judiciaire » n’a été donnée malgré ce qu’il qualifie de « fraude aux consommateurs que représente la désinfection de l’eau ».

Ainsi qu'une « inversion de la relation entre l’État et les industriels en matière d’édiction de la norme » : « Nestlé Waters adopte une attitude transactionnelle, posant explicitement l’autorisation de la microfiltration à 0,2 micron comme condition à l’arrêt de traitements pourtant illégaux ».

« Elle savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années »

Les ministères écartés, l’Élysée impliqué

Le rapport blâme « les échecs de l’interministériel », « le travail en silo », l’éviction des ministères de la Consommation et de la Transition écologique… et souligne que « c’est au plus haut niveau de l’État que s’est jouée la décision d’autoriser une microfiltration sous le seuil de 0,8 micron », dans « la continuité des arbitrages pris par le cabinet de la Première ministre, Élisabeth Borne, mais sans que celle-ci ne semble informée ».

La commission note également que « la présidence de la République, loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier ». Elle « savait, au moins depuis 2022, que Nestlé trichait depuis des années ».

Parmi les 28 mesures proposées : un étiquetage plus lisible, un suivi qualitatif renforcé des nappes phréatiques, des contrôles effectifs sur les niveaux de prélèvement et surtout : une inspection indépendante des sites de production.