Je suis une fille de mon temps
Je me lève et je bois un verre d’eau parce que je suis une fille de mon temps. J’arrive dans la salle de bains. Je me vois dans la glace avec ma tête pas possible et mes cheveux hirsutes. Est-ce que c’est cela qui me rend de mauvaise humeur ou l’étais-je déjà avant ? Disons que je suis toujours de mauvaise humeur le matin. Ce sont les séquelles de mes années de pensionnat où, entre 10 et 14 ans, je me réveillais tous les jours au milieu de quatre-vingts filles hystéro. Après m’être lavé les cheveux – fins et bouclés, ce qu’il y a de pire au monde –, c’est l’heure du petit déj. J’ouvre le frigo. Le plus souvent, il est vide et je suis réduite à mourir de faim pendant deux heures, car impossible de sortir de chez moi avant que mes cheveux ne soient secs (un pas dehors ruinerait tous mes efforts de discipline capillaire).
Prisonnière
Prisonnière, donc, j’aurais bien sûr plein de trucs à faire – des papiers administratifs chiants à remplir, un court-métrage à terminer depuis trois ans et demi –, mais non : je préfère m’asseoir sur mon canapé, regarder le plafond, et je me mets à penser à ma vie. « Où en suis-je ? Qui suis-je ? » Heureusement, un matin sur deux, je ne me lave pas les cheveux (je les cache en les attachant) et ce sont des matinées de liberté où je vais, par exemple, à mon cours de Pilates, chez Solange, une ancienne danseuse de 75 ans qui m’apprend à respirer et à me tenir.
J’envoie des textos tous azimuts
A l’heure du déjeuner, j’envoie des textos tous azimuts et, si j’ai de la chance, je retrouve une amie aussi désœuvrée que moi. On va au resto japonais. C’est carrément pas original mais c’est pas cher, et un peu d’exotisme, ça fait toujours du bien. Si personne ne me répond, je me prépare des pâtes et, face à mon assiette, je repense encore à ma vie, puis, après mon café soluble, au lieu de me remettre à penser, je fais une sieste. Ensuite, un peu de travail efficace. J’essaie à nouveau de reprendre l’écriture de mon court-métrage. L’histoire d’une jeune femme qui doute. Un thème abyssal qui explique sans doute ma difficulté à mettre le point final. Mais je m’acharne, comme je m’étais acharnée auparavant sur l’accordéon (avant d’arrêter, au bout de quatre ou cinq ans, parce que j’en avais marre d’être nulle), ou sur la peinture (que je reprendrai au moment de ma retraite, ou le jour où je serai milliardaire et pourrai me permettre de louer un atelier). Bon, mais le mieux, quand même, c’est de travailler avec ses amis : monter une pièce de théâtre avec les anciens du Conservatoire ou être sur un tournage avec des gens gentils et passionnés. Là, c’est vraiment le paradis sur terre !
Je vais à la boxe
A 17 heures, si je n’ai pas eu Pilates le matin, je vais à la boxe. Drogue parfaite qui me permet d’évacuer tout mon stress. J’en sors avec la sensation d’être une guerrière, préparée pour la bataille de la vie et vidée de mes pensées parasites. Après, je vais boire des bières avec les copains boxeurs. Parfois on en boit beaucoup. J’aime bien. Et j’aime aussi inviter chez moi mais, dans ce cas, mon défi, c’est de virer le moins possible au dîner presque parfait (où je ne parle plus à personne, tellement je suis obnubilée par mes casseroles...). Un autre truc que j’aime, ce sont les fêtes pas prévues. Qui naissent comme ça, de l’envie de se voir, après un spectacle par exemple. On est avec les uns, on rejoint les autres. Tard le soir, dans les bars. Je profite au maximum du fait de vivre seule, de l’absence de contraintes. C’est le temps de l’amitié. C’est grisant, très joyeux, même si ce que je veux profondément c’est aimer, construire... Une vie rien que pour soi n’a pas de sens. Littéralement assommée par toutes mes pensées du jour (vous vous imaginez bien...), je m’endors comme une souche, puis j’ai une insomnie entre 5h12 et 6h58 et, le lendemain, ça recommence : tête hirsute, frigo vide, etc. Je ne sais pas si l’on nous remet un trophée à la fin mais une chose est sûre : je crois en l’invisible.
* Sortie le 2 novembre. Joséphine sera également à l’affiche de « La Délicatesse », de David et Stéphane Foenkinos, le 21 décembre. Avec Audrey Tautou.